Dans ce tableau de Grégoire Müller, Beuys qui a marqué l’art du XXe siècle, artiste «inclassable» comme Grégoire, est représenté sur un panneau en chamane prophète avec son emblématique chapeau et sa non moins emblématique veste de «pêcheur». Le deuxième panneau évoque les matières fétiches de Beuys: graisse qui résiste à toute tentative de pétrification, feutre qui peut protéger, cire qui promet des métamorphoses et des renaissances et doivent le/nous prémunir d’une «apocalypse».
Grégoire Müller, après avoir dénoncé les violences de l’Histoire en adoptant de manière mordante les formes religieuses du diptyque y revient en remplaçant les «saints» par des artistes. Or, il n’y a pas de Paradis à l’horizon, mais des matières ou des évocations. Ces tableaux hommages aux grands peintres ne sont pas porteurs d’un nouveau messianisme, mais ils nous suggèrent que l’art, s’il ne peut nous sauver, nous ouvre des chemins de résilience, nous offre des lieux de réconciliation.
On sait que Beuys, comme Grégoire Müller, a toujours été préoccupé par le destin de la terre. Qu’avons-nous fait des actions et des visions des artistes, de leurs énergies ? Müller ne se contente pas de reliques à vénérer mais, comme Beuys, nous questionne sur notre société marchande qui a tendance à transformer les reliques en reliquats. Il interroge notre capacité à être «bouleversé» en profondeur et pose un regard ironique sur notre manière de convertir une démarche artistique spirituelle en une simple icône, sacralisée, neutralisant et pétrifiant une démarche qui se voulait dialogue.
Grégoire Müller, artiste sans concession, ose ainsi nous demander si nous acceptons que l’art ne reste pas «nature» ou «lettre» morte.
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